La haute sensibilité des hommes : témoignage d'Alban Bourdy
- Sarah Van Cappellen
- il y a 1 jour
- 5 min de lecture

Ils sont toujours rares les hommes qui osent parler de leur hypersensibilité, ou se définir comme hautement sensibles. Ce qui fait que le sujet est encore trop souvent abordé comme un trait genré, alors que, selon toutes les études et malgré les idées préconçues, il y a autant de femmes que d’hommes parmi les personnes hautement sensibles.
Ils sont toujours rares les hommes qui osent parler de leur hypersensibilité, ou se définir comme hautement sensibles.
Même si je regrette vivement que le sujet ne soit pas beaucoup plus conjugué au masculin, jusqu’à y trouver parité, je comprends bien les réticences rencontrées. Il faut bien dire que, malgré une récente évolution non négligeable des mentalités sur la question, le retour quand on s’ouvre sur le sujet reste parfois difficile à recevoir. L’hypersensibilité masculine est souvent déconcertante, elle a tendance à faire fuir ou à être méprisée. Il faut persévérer, plus on communiquera sur le sujet, et moins ce le sera. Un grand merci à Sarah pour cette fenêtre d’expression en ce sens. Pour le moment, nous sommes trop nombreux à nous sur-adapter, à faire comme si, pour que ce soit encore bien accepté par la majorité.
On attend trop souvent des hommes une apparence de solidité confinant au minéral, et la vulnérabilité reste quelque chose qui déstabilise de la part du masculin. Ce alors qu’il n’y a aucune raison, puisque la force ne réside pas spécialement dans le fait de rester imperturbable. La souplesse engendre souvent la capacité de rebond, l’adaptation et la résistance. L’hypersensible est comme un roseau comparé à des personnes passant pour rassurantes ou solides parce que plutôt chênes. Tout dépend de la perspective et de là où l’on place le curseur. Et par ailleurs, il est temps pour notre salut d’arrêter de se conditionner à un diktat de toujours fort, la nature de la vie est cyclique et ondulatoire.
Tous les oscillements de l’hypersensible-roseau font parfois peur, ou donnent une impression de fragilité, même à des personnes pourtant sensibilisées à la haute sensibilité. Plus on sera nombreux à témoigner, et plus cela rassurera ces peurs et effacera ces jugements.
Pour être accepté avec sa haute sensibilité, il faut d’abord s’accepter soi-même ainsi, et être pleinement rassuré à notre propre sujet.
Les comportements des hypersensibles sont souvent mal compris et connotés à tort négativement. Ainsi avoir la larme facile ne signifie en rien être dépressif ou être trop vite submergé. La grande majorité de mes larmes n’est nullement liée à de la tristesse, ce sont des larmes de pure émotion, d’intensité, de saisissante beauté. De même avoir besoin de plus, voire de beaucoup plus de repos et de temps de récupération, que la normale ne veut pas dire que je suis peu énergique et petite nature. Mon besoin de repos est à la hauteur du niveau d’intensité de tout ce que je capte et de tout ce que je vis.
On apprend souvent aux hommes dans un contexte particulièrement basé sur la compétition. Mon incompatibilité avec cela a peut-être été le point de décalage et d’incompréhension le plus flagrant lorsque j’étais enfant. Je ne nourrissais aucune émotion particulière à l’idée de gagner, en revanche, de par mon empathie, j’accordais naturellement une grande valeur à l’envie de vaincre de mon adversaire. Dès lors, je n’étais plus son adversaire mais devenais son partenaire. J’allais dans le même sens que lui, à vouloir qu’il triomphe, même si c’était contre moi.
Je me souviens que quand j’étais au collège, certains se moquaient de mes chaussettes colorées (il n’y a jamais trop de couleur, dans nos cœurs comme dans nos environnements). Un jour, j’ai pris dans le tiroir de ma mère des chaussettes d’aérobic de couleur rose fuchsia bien éclatante, et je suis allé jusqu’à les enfiler par-dessus mon pantalon. La réaction fut alors totalement différente, parce que là c’était clairement assumé. Il y avait des stupéfactions, mais il n’y avait plus de moqueries. Certains qui avant se moquaient admiraient maintenant que j’ose ainsi. On prenait soudain en compte chez moi une personnalité intéressante alors qu’avant il n’y avait pour moi que mépris. J’avais l’impression d’avoir renversé la table, et c’est ce genre d’actions qui change la donne pour les hommes hautement sensibles parce que le contexte sociétal de base nous est encore globalement défavorable. La clef pour se sentir bien avec soi, et avec sa sensibilité, réside dans le fait d’être confortable avec ce que l’on est, de s’accepter et ne pas subir.
Il est essentiel pour un hypersensible de parler de ses émotions, [...] cela permet de montrer que l’on s’assume.
Pour être accepté avec sa haute sensibilité, il faut d’abord s’accepter soi-même ainsi, et être pleinement rassuré à notre propre sujet. Les milieux masculins, compétitifs, accordent beaucoup trop de place à la comparaison, ce qui est absurde et délétère pour tout le monde, mais encore plus particulièrement pour les hypersensibles qui prennent les choses très à cœur et se remettent trop facilement en question.
C’est une bonne chose pour les hommes hautement sensibles de s’entraîner à faire des pas de côté, pour ainsi décaler des situations, les approfondir. Cela permet de respirer et de ne pas se laisser piéger par des schémas qui nous abattent. Pour cela, nous avons notamment à notre disposition l’humour et les perceptions sensorielles (des domaines où nous sommes pourvus d’une abondance de matière). En prenant la main et en modulant le rythme, nous pouvons utiliser nos extra-sens et perceptions subtiles pour équilibrer les situations, nous pouvons ressentir intuitivement comment trouver une ordonnance des choses qui permet à tous les protagonistes d’être au mieux.
Les émotions, qui en nous, hypersensibles, ruissellent presque en permanence, demandent à être exprimées. Et c’est souvent un problème pour les hommes, puisque malheureusement l’expression de ses émotions est toujours mieux acceptée sociétalement venant d’une femme, et que l’éducation reçue peut avoir créé des blocages en la matière. L’idéal est bien évidemment de parler de ses émotions, ou de les chanter, mais on peut aussi les transmettre sans engager sa voix, par la danse, par l’écriture ou par une quelconque création artistique. Si vraiment le cadre n’est pas du tout favorable à cela ou que l’on se sent trop bridé, on peut déjà faire beaucoup rien qu’en écoutant de la musique dans ses écouteurs. Ainsi en toute discrétion, en toute intimité. Ce n’est alors pas une activité créative mais on peut déjà faire interagir ses émotions avec celles de la musique écoutée, et ça peut fonctionner très bien, changer totalement nos dynamiques internes.
La façon dont nous nous comportons vis-à -vis de notre sensibilité impacte fortement la façon dont les autres la voient.
On ne saura dire assez combien il est essentiel pour un hypersensible de parler de ses émotions, parce que même si ça peut surprendre et avoir de pas trop bons résultats à court terme, cela banalise, cela permet de montrer que l’on s’assume, et c’est toujours mieux que de laisser les émotions niées finalement nous submerger de manière inopinée. En parler, c’est toujours une bonne chose à terme, et en parler bien sûr sans s’en excuser. La façon dont nous nous comportons vis-à -vis de notre sensibilité impacte fortement la façon dont les autres la voient. Si nous nous excusons de notre forte sensibilité, si nous ne sommes pas à l’aise avec, alors nous encourageons les autres à la percevoir comme quelque chose de négatif, quelque chose d’embarrassant voire d’honteux. Il s’agit de l’affirmer sans trop mettre spécialement la lumière dessus, en parler naturellement. Ainsi on rassure, on influence, on inspire.
Alban Bourdy
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Alors, Messieurs, comme le dit si bien Alban, osez être vous-mêmes et osez parler naturellement de votre merveilleuse sensibilité afin de rassurer, inspirer et transformer positivement le monde qui vous entoure.
De tout cœur, chaleureusement merci, très cher Alban Bourdy !
